Titre

Vasopresseurs et arrêt cardio circulatoire

Auteur

Caroline Telion, JS Marx, P Carli

DAR et SAMU 75, Hôpital Necker, Paris, France.

La reprise d’activité cardiaque spontanée (RACS) au cours de l’arrêt cardiorespiratoire (AC) dépend de la pression de perfusion coronaire (PPC) déterminée par la pression télédiastolique de la phase de relaxation passive du MCE et du débit cardiaque (QC). Au cours du MCE, le débit cardiaque généré est de l’ordre de 30 % de sa valeur normale. Une PPC, égale à 30 mmHg semble le plus souvent nécessaire pour permettre RACS (1). Le MCE seul, ne permet pas d’obtenir cette PPC, une redistribution des flux sanguins vers les coronaires s ‘avère indispensable.

Les catécholamines

1 Adrénaline

L’adrénaline, hormone naturelle excrétée par la médullosurrénale, stimule les récepteurs a et b adrénergiques. A faibles doses (<0,2mg/kg/min), les effets b adrénergiques prédominent, mais l’augmentation des posologies voit rapidement apparaître  les effets a adrénergiques mais sans que ne disparaissent totalement les effets b. La stimulation a adrénergique est responsable d’une vasoconstriction et donc d’une augmentation de la pression artérielle systolique et diastolique et du débit sanguin coronaire. La stimulation b adrénergique est responsable d’un effet inotrope, bathmotrope, chronotrope et dromotrope  positifs qui induisent une augmentation de la consommation d’oxygène du myocarde et une réduction de la perfusion sous endocardique (2).

Malgré la conséquence négative que peut générer l’effet b, l’adrénaline reste actuellement la catécholamine recommandée de première intention dans l’AC. La recherche de la dose optimale à injecter est depuis ces dernières années au centre du débat. Ainsi, plusieurs études ont comparé l’utilisation d’une dose standard de 1 mg d’adrénaline à une dose élevée (de 5 à 15 mg).  Aucune de ces études prises individuellement ou réunies dans une métaanalyse (3) ne met en évidence de différence significative sur la survie des malades. En effet, l’intensité de la vasoconstriction permet une importante perfusion coronaire et une RACS mais la persistance de ces effets vasoconstricteurs  peut induire une ischémie myocardique et une ischémie cérébrale (4,5). Seule, l’étude de Gueugniaud portant sur 1600 AC a mis en évidence une différence significative en termes de RACS mais pas en termes de survie à long terme.

2 Noradrénaline

La noradrénaline est une catécholamine naturelle, précurseur de l’adrénaline. Responsable d’une puissante stimulation a1 adrénergique, elle induit une vasoconstriction intense. Malgré l’absence d’effet b1 et la moindre sensibilité des récepteurs b2 à la noradrénaline aucune étude clinique n’a démontré sa supériorité par rapport à l’adrénaline (6) .

3 La dopamine

La dopamine est une catécholamine naturelle précurseur de la noradrénaline. Elle agit par stimulation directe des récepteurs a et b1 et par stimulation de la libération de noradrénaline. Au cours de l’expérimentation animale l’administration de fortes doses de dopamine n’a pas montré de supériorité, en termes de RACS,  par rapport à des doses standards d’adrénaline (7).

4 L’Isoprénaline

Bien que longtemps utilisé, l’isoprénaline n’a aucune indication dans le traitement de l’AC. Son absence d’effet a et ses effets b entrainent une diminution de la pression artérielle diastolique délétère pour la pression de perfusion coronaire.

Les hormones peptidiques vaso-actives

Au cours de l’AC, il existe une augmentation de la sécrétion de substances sympathomimétiques mais aussi une stimulation neuroendocrine de façon plus intense chez les sujets présentant une RACS par rapport aux sujets non survivants. Parmi ces substances, certaines ont des propriétés vasoactives qui pourraient peut être permettre une amélioration de l’efficacité du MCE : endothéline 1, angiotensine II, vasopressine.

1 l’endothéline 1

L’endothéline 1, sécrétée par les cellules endothéliales, a fait l’objet de plusieurs études animales. Elles ont certes démontré son efficacité sur la PPC et donc sur la RACS mais Hilwig retrouve une augmentation de la mortalité précoce dans le groupe recevant de l’endothéline en association à l’adrénaline par rapport au groupe recevant de l’adrénaline seule (8,9).

2 L’angiotensine II

L’angiotensine II est un puissant agent vasoconstricteur, possédant des effets cardiostimulants faibles. Des études expérimentales ont mis en évidence une amélioration du débit sanguin coronaire et donc une RACS (10,11), mais il n’existe aucune étude chez l’homme.

3 La vasopressine

La vasopressine est une hormone peptidique naturelle ayant un effet antidiurétique. A dose élevée la vasopressine a un puissant effet vasoconstricteur par stimulation directe au niveau des récepteurs V1. Ainsi Lindner et col. ont mis en évidence une efficacité supérieure de la vasopressine en bolus en cas de FV/TV résistantes à la défibrillation (12). Elle est injectée en un bolus unique de 40 U car elle a une durée d’action longue de 15 à 20 minutes. Cette efficacité n’est pas retrouvée par Stiell et col. qui ne constatent pas d’amélioration de la survie des patients (13). La vasopressine induit, en effet, une vasodilatation au niveau des muscles squelettiques  et ainsi une augmentation de la consommation en O2 mais sans générer d’activité b adrénergique. Bien que recommandée comme alternative possible à l’adrénaline dans le traitement de l’AC, son intérêt ne pourra être confirmée que par les résultats d’études cliniques de grande ampleur. La vasopressine n’est actuellement pas commercialisée en France et la substitution par les autres peptides vasoconstricteurs (Terglypressine) est impossible.

 
Bibliographie  

1 Kern KB, Ewy GA, Voorhees WD, Badds CF, Tacker WA. Myocardial perfusion pressure : a predictor of 24 h survival during prolonged cardiac arrest in dogs. Resuscitation 1988 ; 16 :241-50

2 Ditchey RV, Linderfeld J. failure of epinephrine to improve the balance between myocardial oxygen supply and demand during closed chest resuscitation in dogs. Circulation 1988 ;78 :382-9

3 Vandycke C, Martens P. High dose versus standard dose epinephrine in cardiac arrest. Resuscitation 2000 ; 45 : 161-6   

4 Tang W, Weil MH, Sun S, Noc M, Yang L, Gazmuri RJ  Epinephrine increases the severity of postresuscitation myocardial dysfunction.Circulation 1995 ;92 :3089-93   

 5 Schmitz B, Fischer M, Bockhorst K, Hoehn-Berlage M, Hossmann KA. Resuscitation from cardiac arrest in cats: influence of epinephrine dosage on brain recovery. Resuscitation 1995 ; 30:251-62

6 Callaham M, Madsen CD, Barton CW, Saunders CE, Pointer J. A randomized clinical trial of high dose epinephrine and norepinephrine vs standard dose epinephrine in prehospital cardiac arrest. JAMA 1992 ; 268 : 2667-72

7 Lindner KH, Ahnefeld FW, Bowdler IM. Comparison of epinephrine and dopamine during cardiopulmonary resuscitation. Intensive Care Med 1989 ; 15 : 432-8

8 Hilwig RW, Berg RA, Kern KB, Ewy GA. Endothelin 1 vasoconstriction during swine cardiopulmonary resuscitation improves coronary perfusion pressures but worsens post reuscitation outcome. Circulation 2000 ; 101 : 2097-102

9 Debehnke DJ, Spreng D, Wickman LL, Crowne DT. The effects of endothelin 1 coronary perfusion pressure during cardiopulmonary resuscitation in canine model. Acad Emerg Med 1996, 3 : 137-43

10 Little CM, Brown CG. Angiotensin II improves myocardial blood flow in cardiac arrest. Resuscitation 1993 ; 26 : 203-10

11 Little CM, Hobson JL, Brown CG.  Angiotensine II in a swine model of cardiac arrest. Ann Emerg Med 1993 ; 22 : 244-7

12 Lindner KH, Dirks B, Strohmenger HU. Randomised comparison of epinephrine and vasopressin in patients with out of hospital ventricular fibrillation. Lancet 1997, 349 : 535-7

13 Stiell IG, Hebert PC, Wells, Vandemheen KL, Tang AS et al. Vasopressin versus epinephrine for inhospital cardiac arrest : a rand